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Le SEO traverse une période fascinante. Après des années de routine où les praticiens expérimentés suivaient un playbook bien rodé, l’arrivée de l’IA générative a tout remis en question. Soudain, l’expérimentation redevient la norme et c’est rafraîchissant.
Mais cette effervescence s’accompagne d’un risque : reproduire les erreurs du passé. Comme lors des précédentes révolutions technologiques, certains tentent de plier les nouveaux outils aux anciennes méthodes, quand d’autres sombrent dans l’optimisation excessive.
Interrogée par Advanced Web Ranking, Jes Scholz, consultante en marketing de croissance et voix respectée de la communauté SEO, offre une perspective équilibrée sur ces transformations. Ses réflexions éclairent les véritables enjeux stratégiques de cette époque de transition.
Le SEO n’est pas un silo, il doit servir la stratégie de marque
Dans sa vision, le SEO reste un levier, jamais une finalité. Cette vérité, évidente en théorie, se perd souvent dans la pratique. Particulièrement quand l’importance grandissante de la marque en SEO pousse certains praticiens à vouloir « posséder » la stratégie branding. Une dérive compréhensible mais contre-productive.
La marque a ses fondamentaux immuables :
- Construction de la notoriété,
- Positionnement concurrentiel,
- Et création de préférence.
Ces principes traversent les révolutions technologiques. Le rôle du SEO consiste à adapter sa contribution à ces objectifs, pas à les redéfinir.
Concrètement, cela implique une attention particulière à la cohérence des signaux de marque.
- Le site name affiché dans les résultats correspond-il à la dénomination utilisée par les autres canaux marketing ?
- Les logos présents sur d’anciens backlinks sont-ils à jour après la refonte graphique ?
Ces détails, apparemment mineurs, prennent une importance fondamentale quand les LLM citent des sources historiques.
La visibilité ne crée de la valeur que si elle renforce la mémorisation de la marque. Une impression isolée, déconnectée des autres signaux marketing, reste stérile. L’enjeu consiste à transformer chaque point de contact en pierre supplémentaire de l’édifice mental que représente votre marque.
De l’intention au contexte, penser en category entry points
L’obsession des mots-clés a vécu. Place aux category entry points (CEP) : ces situations mentales où un consommateur pense naturellement à votre catégorie de produit.
Prenons l’exemple du café matinal. Ce moment représente un CEP pour les torréfacteurs, les enseignes de cafés, les fabricants de machines. L’enjeu n’est plus de se positionner sur « café » ou « expresso », mais de devenir la marque qui vient à l’esprit lors de ce rituel quotidien.
Cette approche transforme fondamentalement la stratégie SEO. Au lieu d’optimiser pour des termes isolés, vous construisez une présence autour des contextes d’usage. Cela demande une compréhension fine de votre audience : quand, comment et pourquoi pense-t-elle à votre solution ?
L’ontologie de marque devient votre boussole. Quelles sont les entités conceptuelles que vous devez « posséder » dans l’esprit des utilisateurs ? Comment s’articulent-elles avec les intentions de recherche ? Cette architecture descendante, du concept vers le mot-clé, inverse la logique traditionnelle mais s’adapte mieux aux recherches personnalisées et contextuelles.
Google Discover n’est pas à part, c’est un terrain de jeu SEO
Google Discover révèle l’avenir du référencement. Pas de mots-clés, des flux hyper-personnalisés et une logique d’autorité thématique pure. Pourtant, beaucoup d’entreprises l’ignorent, le considérant comme un canal annexe.
Erreur stratégique. Discover fonctionne selon les mêmes principes que les surfaces émergentes de l’IA : reconnaissance d’entités, construction de graphes de connaissances et signaux E-E-A-T. Maîtriser Discover, c’est anticiper les mécaniques de visibilité de demain.
Le contenu devient un actif stratégique, pas une série d’articles. Dans Discover, impossible de forcer le passage avec des techniques d’optimisation classiques. Seule compte la qualité éditoriale, l’expertise démontrée et la régularité de publication sur des sujets cohérents.
Pour les marques dont le site principal peine à percer dans Discover, la solution passe par les partenariats. Collaborer avec des médias établis ou des créateurs influents permet d’associer votre expertise à leur autorité thématique. Une forme de co-marketing plus sophistiquée que le simple sponsoring.
Multimodalité, chunking et IA, attention à la simplification excessive
L’émergence des LLM génère une nouvelle orthodoxie : tout optimiser pour les « chunks », ces fragments de contenu que l’IA peut facilement extraire et citer. Cette approche n’est pas fausse, mais elle rate l’essentiel.
Un contenu entièrement découpé en FAQ et paragraphes isolés devient illisible pour les humains. Or ceux-ci restent vos clients finaux. Quand un utilisateur clique sur une citation d’AI Overview pour approfondir le sujet, il doit trouver un contenu agréable à lire, pas une succession de réponses robotisées.
L’enjeu consiste à structurer sans déshumaniser.
- Oui aux titres explicites, aux définitions claires, aux exemples concrets.
- Non à la disparition du style éditorial et de la fluidité narrative.
Cette tension se retrouve dans tous les formats. L’IA peut transformer un article en vidéo, celle-ci en clips courts, puis en podcast. Mais cette multiplication ne crée de la valeur que si le contenu original apporte quelque chose d’unique : expertise exclusive, données propriétaires, angle inédit et accessibilité pédagogique.
La course au volume de contenu IA risque de noyer les marques dans leur propre « slop ». Mieux vaut produire moins mais mieux, en gardant toujours la question centrale : en quoi ce contenu renforce-t-il la perception de ma marque ?
Nouveaux KPIs : share of voice, prompts et mémorisation
Google Search Console devient insuffisant. Ses données, toujours partielles, le deviennent encore plus avec l’essor des recherches génératives. Il faut repenser entièrement la mesure de performance SEO.
La share of voice remplace avantageusement le suivi de positions. Pour un échantillon de prompts représentatifs de vos CEP, quelle proportion de citations obtenez-vous ? Cette métrique, proche des études de marché classiques, offre une vision plus stratégique que le ranking sur des mots-clés précis.
Les outils évoluent pour suivre cette nouvelle réalité : visibilité dans les LLM, inclusion dans les réponses génératives et tracking des mentions de marque. Mais attention aux illusions de précision. Ces données restent des échantillons, des indicateurs de tendance et pas des vérités absolues.
La corrélation visibilité/chiffre d’affaires devient votre KPI ultime.
Quand votre share of voice augmente sur vos prompts cibles, observez-vous une progression des ventes quelques semaines plus tard ? Cette liaison, même imparfaite, guide mieux vos investissements que les métriques purement techniques.
Et n’oubliez pas le plus simple : demander directement aux clients comment ils ont entendu parler de vous. Un dropdown dans votre parcours de conversion, une question lors de l’onboarding. L’humain reste votre meilleure source d’insights sur l’efficacité de vos efforts de visibilité.
Les mythes SEO autour de l’IA à démonter
L’enthousiasme autour de l’IA générative nourrit son lot d’illusions. La plus répandue : la facilité supposée de manipulation des LLM.
Non, vous ne « reprogrammerez » pas ChatGPT en répétant mille fois que votre marque est la meilleure. Cette approche révèle une incompréhension fondamentale du fonctionnement de ces systèmes. Pour les requêtes où peu de données d’entraînement existent, oui, l’influence reste possible. Mais sur les sujets documentés, la cohérence des sources l’emporte largement sur la répétition artificielle.
L’impact se construit différemment, en multipliant :
- Les mentions authentiques,
- Les citations expertes,
- Les références croisées.
Exactement comme dans le SEO classique, où l’autorité émerge de la convergence de signaux crédibles, pas de leur accumulation forcée.
Cette logique d’écosystème s’accentue même avec l’IA. Les LLM valorisent la cohérence entre sources multiples. Votre stratégie doit donc viser la construction d’un consensus autour de votre expertise, pas la manipulation ponctuelle d’algorithmes.
Stratégie, pas tactique
On le dit et le redit, l’ère de l’IA ne signe pas la mort du SEO. Elle l’élève vers un niveau stratégique supérieur. Fini le temps où l’optimisation technique suffisait. Place à la construction d’avantages mémoriels durables.
L’objectif change. Il s’agit désormais d’être choisi au bon moment, pas seulement être vu. Cette nuance transforme toute l’approche.
- Plutôt qu’optimiser les impressions, vous construisez des associations mentales.
- Plutôt que cibler des mots-clés, vous investissez des territoires conceptuels.
Cette évolution repositionne le SEO dans l’organisation. Plus proche du branding et de la stratégie produit. Plus éloigné de l’exécution purement technique. Un défi pour les profils habitués aux optimisations tactiques, une opportunité pour ceux qui pensent en termes de signaux et de perception.
Le SEO de demain appartient à ceux qui comprennent que la visibilité n’est qu’un moyen. La vraie finalité reste la mémorisation. Et celle-ci se construit dans la durée, par la cohérence, et pas par l’optimisation ponctuelle.
Dans cette perspective, chaque point de contact compte. Chaque mention renforce ou affaiblit l’édifice. Le travail du référenceur évolue : de technicien de la visibilité à architecte de la mémoire de marque.