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Google assure que le web se porte bien, malgré les craintes liées aux AI Overviews. Pour Nick Fox, VP Search, les études alarmistes reposeraient sur des méthodes discutables. Une vision optimiste qui interroge.
Le cœur de l’argument Google : un web en expansion
Devant les critiques croissantes autour des AI Overviews — ces résumés générés par l’IA qui s’affichent directement dans les résultats de recherche — Nick Fox, vice-président de la recherche chez Google, tient un discours résolument optimiste. Selon lui, le web ne décline pas, bien au contraire : il serait en pleine croissance.
L’un des indicateurs qu’il a mis en avant sur AI Inside podcast concerne l’activité des crawlers de Google. En comparant avril 2025 à avril 2023, l’entreprise observe une hausse de 45 % du nombre de pages explorées. Autrement dit, le volume de contenu disponible sur le web aurait fortement augmenté en deux ans. Un chiffre présenté comme une preuve de vitalité : si les sites continuaient à disparaître ou à se tarir, la courbe irait dans l’autre sens.
Autre argument : les visites sur le web sont également en hausse, selon des données externes qu’évoque Fox sans les détailler. Il insiste par ailleurs sur la diversité des contenus produits aujourd’hui — certains créés intégralement par des humains, d’autres en partie générés par des IA — pour souligner la richesse de l’écosystème.
Google rappelle enfin que son système repose toujours sur des critères éprouvés : autorité des sites, pertinence, fiabilité… Autant de signaux qui seraient intégrés aux modèles d’IA, afin d’éviter les dérives et de préserver la qualité des résultats.
« Le web est en pleine expansion. Les paragraphes générés par l’IA ne remplacent pas un article bien écrit. » — Nick Fox, VP Search, Google.
Une remise en cause des études d’impact
Si la montée des AI Overviews inquiète tant les éditeurs, c’est en grande partie parce qu’ils observent — ou redoutent — une baisse des clics vers leurs contenus. Plusieurs études ont tenté de mesurer cet impact, en comparant le trafic avant et après l’apparition des réponses générées par l’IA. Mais pour Google, ces analyses seraient loin d’être fiables.
Nick Fox remet ouvertement en cause la méthodologie de ces études. Certaines prendraient pour point de comparaison des périodes antérieures au lancement des AI Overviews, ce qui fausserait les résultats. D’autres établiraient des liens de causalité sans prendre en compte les multiples facteurs pouvant affecter le trafic d’un site : saisonnalité, actualité, mise à jour de l’algorithme…
En résumé, le trafic baisse peut-être, mais rien ne prouve que l’IA en soit la cause. Fox insiste aussi sur un point souvent évoqué par Google : la qualité des clics serait meilleure. Moins nombreux, peut-être, mais plus pertinents, car les utilisateurs auraient un aperçu plus clair de ce qu’ils vont trouver avant de cliquer.
« Les sites gagnent ou perdent du trafic pour de nombreuses raisons. Comprendre la causalité est complexe. » — Nick Fox.
Ce discours a certes du réalisme, mais il reste frustrant pour les éditeurs. Google ne fournit aucune donnée détaillée sur l’impact réel des AI Overviews. Impossible, à ce jour, de distinguer dans la Search Console les clics générés par une fiche de lien « classique » et ceux survenus dans un encadré d’IA.
Une vision optimiste… et intéressée
Derrière l’enthousiasme affiché par Nick Fox se dessine une stratégie de communication bien rôdée. Google se positionne en allié historique du web, rappelant qu’aucune autre entreprise n’a autant investi pour en comprendre la structure, trier les contenus et maintenir un écosystème de liens accessibles. Le message est clair : l’IA ne remplace pas le web, elle l’enrichit.
Mais ce discours, aussi séduisant soit-il, n’est pas neutre. Il permet à Google de justifier l’intégration massive de l’intelligence artificielle dans ses résultats, sans pour autant revoir son modèle d’indexation ni partager le pouvoir de distribution des clics. La promesse implicite : les contenus de qualité continueront d’être mis en avant, même si leur visibilité passe désormais par une synthèse générée.
Pour les éditeurs, cette vision reste difficile à accepter tant que la réalité des clics leur échappe. Ils ne contestent pas l’existence d’une expansion du web — personne ne doute que les contenus se multiplient — mais s’inquiètent de la place que les liens organiques occupent désormais dans l’interface de recherche. Moins visibles, parfois absents, ils peinent à remplir leur rôle économique.
« Il est réducteur de dire que l’IA remplace le web. C’est un moment d’expansion. » — Nick Fox.
Le paradoxe est donc là : un web plus vaste, mais moins traversé ? Plus riche, mais moins profitable pour ceux qui le construisent ? En se posant en défenseur du web, Google renforce sa légitimité tout en gardant la main sur les règles du jeu.
Ce que Google ne dit pas (encore)
À écouter Google, tout irait pour le mieux : l’IA serait un levier d’expansion, les contenus de qualité trouveraient toujours leur public, et les études alarmistes seraient biaisées. Mais ce discours laisse dans l’ombre plusieurs zones de flou que la communauté SEO et les éditeurs ne cessent de pointer.
- Première limite : l’absence totale de données vérifiables. Ni la Search Console, ni les outils d’analyse Google n’indiquent aujourd’hui si un clic provient d’un encadré IA ou d’un lien classique. Les éditeurs ne peuvent donc pas mesurer l’effet réel des AI Overviews sur leur visibilité, ni ajuster leur stratégie de contenu en conséquence.
- Deuxième angle mort : la sélection des sources affichées dans les réponses générées. Si Google affirme que les critères traditionnels (autorité, pertinence, fiabilité) sont toujours pris en compte, il n’existe aucun moyen de comprendre pourquoi un site apparaît dans un encadré plutôt qu’un autre. Cette opacité alimente les soupçons d’un système qui bénéficierait davantage aux gros acteurs déjà bien établis.
- Le flou persiste enfin sur la monétisation. Si l’IA synthétise une réponse à partir de plusieurs articles, mais que l’utilisateur ne clique plus, qui capte la valeur ? Les modèles publicitaires sont bouleversés, et le modèle éditorial gratuit fondé sur le trafic devient plus fragile que jamais.
Pourquoi Google ne fournit-il pas simplement des chiffres ?
Cette question, posée ouvertement, reste sans réponse.