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Automattic accuse WP Engine de manipulation SEO : une plainte fondée sur une vision dépassée du référencement

Robot wordpress

Automattic (maison mère de Wordpress) accuse WP Engine d’avoir abusé du mot-clé “WordPress” pour manipuler son référencement. Mais selon plusieurs experts, dont Search Engine Journal, ces arguments reposent sur une vision du SEO obsolète. Les moteurs modernes ne classent plus selon la fréquence des mots, mais selon la pertinence et le contexte.

Un conflit juridique qui glisse sur le terrain du SEO

Dans le cadre de son contre-recours judiciaire contre WP Engine, la société Automattic avance un argument pour le moins surprenant. Elle accuse WP Engine d’avoir abusé du référencement naturel (SEO) en répétant excessivement les termes “WordPress” et “WooCommerce” sur son site web pour mieux se positionner dans les moteurs de recherche.

Selon Automattic, cette stratégie constituerait une “campagne d’infraction commerciale” cherchant à semer la confusion entre les sites WP Engine et les plateformes officielles WordPress.com ou WordPress.org. Le document juridique évoque notamment que WP Engine aurait, depuis 2021, “augmenté de façon spectaculaire le nombre d’occurrences des marques WordPress et WooCommerce” dans ses contenus afin de capter le trafic organique lié à ces termes.

Mais à y regarder de plus près, ces arguments semblent basés sur une vision du SEO datant d’avant 2010 — et ne tiennent plus face à la réalité des algorithmes modernes de recherche.


Une conception du SEO obsolète

Automattic soutient que les moteurs de recherche “tiennent compte du nombre de fois qu’un mot-clé apparaît dans un texte” pour évaluer sa pertinence. Or, cette approche, autrefois vraie à l’époque du “keyword stuffing”, ne correspond plus du tout au fonctionnement actuel de Google.

Les systèmes modernes, comme BERT et MUM, analysent le sens et l’intention des requêtes plutôt que la densité de mots-clés. Google l’explique clairement :

“Nous établissons d’abord l’intention de la requête afin d’identifier le contenu le plus utile, même s’il ne contient pas les mots exacts utilisés.”

Une simple vérification suffit à démontrer cette évolution. Le site WordPress.com se classe deuxième sur la requête “Managed WordPress Hosting” — alors que cette expression n’apparaît nulle part sur la page.


Des données comparatives biaisées

Pour appuyer sa plainte, Automattic présente un graphique comparant la fréquence d’apparition du mot “WordPress” sur les sites de 19 hébergeurs différents. WP Engine y apparaît comme un cas extrême, avec beaucoup plus de mentions que ses concurrents.

Mais en analysant la méthodologie, les limites sautent aux yeux :

  • 14 des 19 sociétés comparées ne sont pas des hébergeurs WordPress dédiés, mais des plateformes généralistes (VPS, cloud, domaines, etc.). Leur usage du mot “WordPress” est donc naturellement plus faible.
  • Parmi les 5 acteurs réellement comparables (comme Kinsta ou Rocket.net), WP Engine n’est pas celui qui en fait le plus.

En comparant les pages réellement positionnées sur “Managed WordPress Hosting” :

  • Rocket.net mentionne “WordPress” 21 fois.
  • WP Engine, 27 fois.
  • Kinsta, 55 fois.

Autrement dit, WP Engine se situe dans la moyenne de ses concurrents directs. D’autres hébergeurs généralistes — InMotion, GoDaddy ou Namecheap — vont bien au-delà, avec plus de 90 à 100 mentions du mot “WordPress” sur leurs pages.

Et ironie supplémentaire, WordPress.com lui-même utilise le terme 62 fois sur sa page d’hébergement.


Une argumentation SEO difficile à soutenir

D’un point de vue purement technique, les accusations d’Automattic ne tiennent pas.

  • L’idée selon laquelle la répétition de mots-clés améliore le classement est contredite par la documentation officielle de Google.
  • Les données fournies par Automattic ne comparent pas des acteurs équivalents et conduisent à des conclusions biaisées.
  • Enfin, le taux réel de répétition sur la page de WP Engine est de 1,92 %, soit un niveau tout à fait standard dans le référencement actuel.

Cette affaire illustre une confusion fréquente entre perception “marketing” du SEO et réalité algorithmique. Dans un contexte juridique, ce type d’argument technique, s’il n’est pas solidement fondé, risque de se retourner contre celui qui le formule.


Un symptôme plus large : la méconnaissance du SEO moderne

Au-delà du litige, cette affaire révèle un phénomène persistant. Même dans les grandes entreprises du numérique, la compréhension du SEO reste inégale. Les moteurs de recherche sont désormais des systèmes sémantiques et contextuelsils classent le sens, pas la fréquence.

Comme le résume Roger Montti, auteur de l’analyse sur Search Engine Journal :

“Automattic semble plaider sur la base d’un SEO d’un autre temps. Les algorithmes modernes récompensent la pertinence et l’intention, pas la répétition.”

Le mot-clé ne fait plus le classement, c’est le contexte qui le fait.

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