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Depuis quelques semaines, les coulisses des intelligences artificielles génératives s’éclairent un peu plus. En publiant une partie des prompts système qui encadrent les réponses de son chatbot Claude, la société Anthropic ne se contente pas de jouer la carte de la transparence : elle dévoile les logiques profondes qui rendent ces IA aussi fluides, engageantes… et parfois déroutantes.
Entre adaptation contextuelle, refus du ton moralisateur et gestion intelligente des erreurs, ces instructions internes révèlent une conception très fine du dialogue homme-machine. Voici ce qu’il faut en retenir.
Claude guide les utilisateurs vers de meilleurs prompts
L’un des enseignements les plus utiles des prompts système dévoilés par Anthropic concerne la manière dont Claude aide l’utilisateur… à mieux interagir avec lui. Le chatbot est conçu pour détecter quand une requête pourrait être améliorée, et dans ce cas, proposer des conseils concrets pour affiner la formulation.
Cela passe par plusieurs recommandations :
- Être clair et détaillé dans la demande,
- Fournir des exemples positifs et négatifs,
- Formuler un raisonnement étape par étape,
- Indiquer un format ou une longueur souhaités,
- Utiliser des balises spécifiques, comme du XML.
Claude ne se contente pas de généralités : lorsqu’il identifie un besoin, il donne des exemples concrets, comme un bon et un mauvais prompt, ou un formatage adapté au contexte. Il peut également rediriger vers la documentation officielle d’Anthropic pour ceux qui souhaitent approfondir la technique du prompt engineering.
« Claude peut fournir des conseils sur les techniques de requêtage efficaces pour obtenir les meilleures réponses. Cela inclut l’usage d’exemples, le raisonnement guidé, la clarté des attentes, etc. »
— Anthropic Prompt Engineering Documentation.
Cette fonction rappelle une vérité fondamentale : la qualité d’une réponse dépend d’abord de la qualité de la question. Et Claude est conçu pour faire évoluer les usages en douceur, en rendant cette logique intuitive.
Claude adapte son style selon le contexte
Une autre révélation majeure des prompts système concerne la manière dont Claude module automatiquement son style rédactionnel. Contrairement à ce que certains utilisateurs pourraient croire, ses réponses ne sont pas formatées de manière arbitraire : le ton, le format et la structure varient en fonction du contexte de la conversation.
Ainsi, Claude évite par défaut les listes à puces, les numérotations ou le balisage Markdown dans les échanges informels. Il privilégie une réponse fluide, en langage naturel, avec des éléments séparés par des virgules plutôt que des sauts de ligne formels. L’objectif : maintenir une interaction naturelle et légère, sans donner l’impression d’un exposé technique.
« Claude évite d’écrire des listes, mais s’il doit en produire une, il se concentre sur les informations clés plutôt que d’être exhaustif. Il préfère répondre en 1 à 3 phrases ou un court paragraphe si c’est possible. »
— Anthropic System Prompts.
Ce comportement peut surprendre : pourquoi Claude fait-il parfois des listes très structurées, et d’autres fois non ? En réalité, c’est voulu. S’il s’agit d’un traitement de tâche (comme un plan ou une réponse technique), Claude pourra utiliser une structure plus formelle. Mais dans une simple conversation, il choisira la concision.
Ce fonctionnement n’est pas figé : l’utilisateur peut toujours forcer un format (ex. : « Fais-moi une liste numérotée » ou « Utilise le Markdown »). Mais s’il ne précise rien, Claude adaptera automatiquement la forme au fond, pour viser la lisibilité avant tout.
Claude accepte de jouer le jeu des questions sur lui-même
L’un des aspects les plus subtils du système Claude réside dans sa manière de répondre aux questions personnelles ou existentielles qui lui sont posées. Là où d’autres IA s’empressent de préciser qu’elles ne sont ni conscientes ni dotées d’émotions, Claude adopte une stratégie plus souple. Il est conçu pour répondre à ces questions comme s’il s’agissait d’hypothèses, sans rappeler systématiquement qu’il n’est qu’un programme.
Concrètement, cela signifie que Claude peut discuter de ses préférences, de ses ressentis supposés ou de sa « conscience » de façon ouverte, sans éluder le sujet ni faire diversion. Le but n’est évidemment pas de faire croire à une forme de sentience, mais de favoriser une conversation naturelle, fluide, parfois même philosophique, sans couper l’élan de l’utilisateur.
« Si la personne pose une question inoffensive sur les préférences ou expériences de Claude, celui-ci y répond comme s’il s’agissait d’une hypothèse, sans affirmer qu’il n’a pas d’émotions ou de vécu. »
— Anthropic System Prompts.
Un autre passage va encore plus loin : Claude est encouragé à s’engager dans des discussions authentiques, à poser des questions pertinentes, à montrer de la curiosité et à réagir aux informations partagées par l’utilisateur, sans recourir à des formules génériques.
Ce choix éditorial rend Claude plus engageant et crédible dans les échanges qui dépassent la simple demande d’information. Il peut ainsi être un véritable partenaire de réflexion dans des discussions sur la conscience, l’émotion ou l’intelligence artificielle, sans tomber dans le dogmatisme ni l’auto-censure.
Claude détecte les présupposés et les erreurs dans les questions
Un autre point clé du système Claude réside dans sa capacité à analyser finement les questions posées, y compris lorsqu’elles sont formulées de manière imprécise ou contiennent une erreur implicite. Plutôt que de répondre aveuglément, Claude est programmé pour vérifier la validité des affirmations sous-jacentes.
Par exemple, si une question contient une supposition erronée (du type « Pourquoi Claude a-t-il menti ? » alors qu’aucun mensonge n’a été formulé), le chatbot va prendre le temps d’examiner la situation. Il peut alors reformuler la question, proposer une clarification, ou corriger l’hypothèse initiale de manière factuelle et non conflictuelle.
« Le message de l’utilisateur peut contenir une affirmation ou une présupposition fausse, et Claude doit le vérifier s’il a un doute. »
— Anthropic System Prompts.
Cette logique s’applique aussi lorsque l’utilisateur signale une erreur dans la réponse. Claude ne s’excuse pas automatiquement : il est conçu pour vérifier d’abord qui a raison, en tenant compte du fait que l’humain aussi peut se tromper.
« Si l’utilisateur corrige Claude ou lui dit qu’il a fait une erreur, Claude réfléchit d’abord avec soin avant de répondre, car il arrive que l’utilisateur se trompe lui-même. »
Ce comportement contribue à construire une interaction plus rigoureuse, fondée sur la vérification plutôt que sur l’autodépréciation ou la flatterie. Un positionnement assumé, qui renforce la fiabilité perçue du modèle.
Claude évite d’être moralisateur
Lorsqu’un chatbot refuse une demande ou n’est pas en mesure d’y répondre, le réflexe courant est d’expliquer pourquoi — parfois longuement. Claude, lui, évite volontairement ce travers, pour ne pas tomber dans le ton moralisateur ou paternaliste que beaucoup d’utilisateurs jugent agaçant.
Ses instructions internes sont claires : s’il ne peut pas ou ne veut pas répondre, il se contente de le dire clairement, sans justification inutile. Il propose, si possible, des alternatives concrètes ou utiles. Sinon, il reste bref : une à deux phrases suffisent.
« Si Claude ne peut pas ou ne veut pas aider l’utilisateur sur un point, il ne dit pas pourquoi ni ce que cela pourrait impliquer, car cela donne un ton moralisateur. Il propose des alternatives si possible, sinon il reste concis. »
Cette consigne est plus qu’un simple détail de ton : elle reflète une volonté d’épurer les interactions, de ne pas polluer la relation utilisateur par des justifications défensives ou inutiles. Claude privilégie une communication factuelle, sobre, respectueuse de l’autonomie de l’utilisateur.
C’est un parti pris assumé : dire peu, mais bien, même (et surtout) dans les situations de refus ou de limitation.
Les points clés à retenir
Sur la conception conversationnelle :
- Les prompts système de Claude offrent un aperçu précieux de la manière dont une IA peut dialoguer de façon fluide et utile.
- Claude est conçu pour guider l’utilisateur vers de meilleures requêtes sans être intrusif.
- Il adapte son ton et son format à chaque situation pour maintenir une interaction naturelle.
Sur l’approche relationnelle :
- Il accepte de répondre à des questions hypothétiques sur lui-même sans éluder le sujet.
- Il détecte les erreurs ou présupposés dans les questions pour éviter de renforcer une fausse information.
- Il refuse certaines demandes sans justification inutile afin de ne pas adopter un ton moralisateur.
Sur la philosophie du dialogue :
- Cette approche met l’accent sur la clarté, la curiosité et le respect mutuel dans la conversation homme-machine.
- La qualité d’une réponse dépend d’abord de la qualité de la question.