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Google AI Mode s’invite dans la recherche : vers un moteur à deux vitesses ?

par Jordan Belly
Recherche google, les évolutions

Dans une interview accordée à Lex Fridman, Sundar Pichai a levé le voile sur l’avenir de Google Search. Contrairement aux déclarations prudentes du Google I/O, le CEO confirme que l’AI Mode va progressivement migrer vers la recherche classique. Cette intégration graduelle dessine les contours d’un nouveau Google : plus intelligent, mais aussi plus filtrant.

Derrière cette évolution se cache une transformation profonde : Google ne se contente plus d’indexer le web, il le réinterprète en temps réel. Pour les éditeurs et les professionnels du SEO, cette mutation soulève une question importante : comment rester visible dans un moteur qui privilégie la synthèse sur la consultation ?

L’AI Mode : laboratoire ou futur standard ?

Lancé comme un onglet expérimental, l’AI Mode de Google propose une approche radicalement différente de la recherche traditionnelle. Au lieu de lister des liens, il génère des réponses contextualisées, traduit en temps réel, et peut mener plusieurs recherches simultanées pour assembler une réponse cohérente.

Cette approche dite de « query fan-out » permet à l’IA de croiser plusieurs sources, de comparer des informations, et de présenter une synthèse enrichie plutôt qu’une simple liste de résultats. Pour les utilisateurs non-anglophones, l’impact est particulièrement fort : Gemini peut traduire et contextualiser des contenus anglais, élargissant considérablement leur accès à l’information.

Pourquoi Google maintient-il cette fonctionnalité dans un onglet séparé ? Prudence technique, mais aussi stratégique. L’AI Mode sert de laboratoire en conditions réelles pour tester les réactions des utilisateurs, mesurer l’impact sur le trafic des éditeurs, et affiner la monétisation.

Une intégration graduelle dans la recherche classique

Selon Pichai, l’objectif est clair : « Les fonctionnalités qui marchent dans l’AI Mode migreront vers la page principale et les AI Overviews. » Cette migration n’est pas accidentelle, elle suit une logique d’amélioration progressive de l’expérience utilisateur.

Les AI Overviews (résumés IA) constituent déjà la première étape de cette intégration. Présents dans environ 31% des recherches informationnelles, ils testent la capacité de Google à fournir des réponses directes tout en conservant des liens vers les sources.

Cette approche graduelle permet à Google d’éviter les écueils d’un changement trop brutal : préservation des habitudes utilisateur, maintien des revenus publicitaires, et gestion de la résistance des éditeurs.

Les principes restent… en apparence

Google réaffirme ses principes fondamentaux : accès aux liens, exploration du web, préservation de l’écosystème éditorial. Pichai insiste : « L’IA agit comme une couche de contexte et de dialogue, mais l’utilisateur apprend toujours ce qui est disponible en ligne. »

Pourtant, cette rhrassurance masque une réalité plus complexe. Quand l’IA filtre, résume et hiérarchise l’information avant même que l’utilisateur la consulte, est-ce encore le même web ? L’accès aux sources demeure possible, mais il devient optionnel, voire secondaire.

Cette tension entre principe affiché et pratique réelle révèle l’ambiguïté de la position de Google : préserver l’écosystème tout en l’optimisant selon sa propre logique algorithmique.

Quels impacts pour les éditeurs et le SEO ?

Cette évolution redessine fondamentalement la relation entre visibilité et trafic. Être cité dans une réponse IA ne garantit plus le clic. Les impressions peuvent augmenter tandis que les visites diminuent, créant une « décorrélation clic/impression«  inédite.

Les petits sites et les contenus de niche risquent d’être particulièrement affectés. Si l’IA privilégie les sources « autoritaires » pour construire ses réponses, la longue traîne éditoriale pourrait s’éroder.

Les adaptations nécessaires :

  • Structuration renforcée : balisage sémantique, données structurées, format « AI-friendly« ,
  • Optimisation pour la citation : contenus synthétiques, définitions claires, réponses directes,
  • Diversification des canaux : ne plus dépendre uniquement du trafic organique Google.

Une nouvelle couche : le web agentique

Pichai évoque une évolution fascinante : l’émergence d’un web à deux vitesses. D’un côté, le web consulté par les humains, avec ses interfaces riches et ses expériences immersives. De l’autre, un « web agentique«  optimisé pour les IA : APIs, formats structurés, knowledge graphs.

Cette dualité pourrait transformer la conception même des sites web. Les éditeurs devront-ils créer deux versions de leurs contenus ? Une pour l’expérience humaine, une autre pour la consommation algorithmique ?

Cette perspective soulève des questions majeures sur l’avenir de l’expérience web et sur la place de la créativité dans un environnement de plus en plus standardisé.

L’enjeu de la monétisation : entre pub et abonnement

Google cherche encore la formule optimale pour monétiser l’AI Mode sans dégrader l’expérience utilisateur. Pichai évoque des publicités contextuelles intégrées « de manière classe et non intrusive », mais reconnaît que le modèle reste à affiner.

L’alternative pourrait venir des services premium : Google One, abonnements spécialisés, fonctionnalités avancées réservées aux payants. Cette stratégie diversifierait les revenus tout en préservant l’expérience IA gratuite de base.

Faut-il s’en inquiéter… ou s’y adapter ?

Malgré les évolutions, Pichai réaffirme l’importance du journalisme de qualité et des sources humaines pour différencier Google de ses concurrents. L’IA ne remplace pas l’expertise, elle la contextualise.

Pour les éditeurs, l’adaptation devient essentielle :

  • Investir dans la qualité plutôt que dans la quantité,
  • Structurer ses contenus pour l’interprétation algorithmique,
  • Développer sa valeur ajoutée : analyse, expertise, point de vue unique.

Cette mutation de Google n’est ni une menace absolue ni une opportunité évidente. C’est une reconfiguration qui récompensera ceux qui sauront adapter leur stratégie à un web de plus en plus médiatisé par l’intelligence artificielle.

Pour résumer

  • L’AI Mode migrera progressivement vers la recherche Google classique,
  • Cette intégration suit une logique de laboratoire en conditions réelles,
  • Google maintient l’accès aux liens mais privilégie la synthèse,
  • Les éditeurs font face à une décorrélation impression/clic croissante,
  • Un web agentique émerge parallèlement au web traditionnel,
  • La monétisation de l’IA reste un défi pour Google,
  • L’adaptation des éditeurs passe par la qualité et la structuration.

Source : interview Sundar Pichai par Lex Fridman, Search Engine Roundtable.

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