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Depuis avril 2025, une évolution discrète mais structurante est venue bouleverser la lecture de la concurrence sur Google Ads. La mise à jour de la politique « Unfair Advantage » autorise désormais un même annonceur à apparaître deux fois sur une même page de résultats, à condition d’occuper des emplacements différents. En clair : un seul acteur peut monopoliser à la fois le haut et le bas de la SERP, dans un mécanisme appelé double-serving.
Ce changement, passé relativement inaperçu, a pourtant un effet direct sur les indicateurs que les annonceurs utilisent au quotidien pour surveiller leur positionnement par rapport à leurs concurrents. Impression share, CTR, taux de présence en haut de page : ces données deviennent plus difficiles à interpréter, et parfois trompeuses. C’est notamment le cas du rapport Auction Insights, longtemps utilisé comme baromètre de l’agressivité concurrentielle.
Dans cet article, nous faisons le point sur cette nouvelle situation, ses implications concrètes pour les annonceurs, et les moyens de restaurer un peu de visibilité dans un écosystème qui devient de moins en moins lisible.
Double-serving : une nouvelle donne discrète mais impactante
Le 14 avril 2025, Google a officiellement modifié sa politique en matière d’« avantage déloyal » (Unfair Advantage Policy). Il est désormais permis à un même annonceur de diffuser plusieurs annonces textuelles sur une même page de résultats, tant qu’elles apparaissent dans des emplacements différents. En pratique, cela signifie que deux annonces d’un même compte peuvent figurer simultanément dans les résultats sponsorisés — par exemple une en haut de page, l’autre en bas.
Ce changement a un impact immédiat sur plusieurs métriques clés des campagnes :
Le nombre d’impressions augmente artificiellement, puisqu’une seule requête peut générer deux affichages distincts.
L’impression share (part d’impressions) se dilue, car le nombre total d’impressions éligibles grimpe. Un annonceur qui ne double-serve pas verra sa part chuter, même sans changer de stratégie.
Le CTR peut baisser, notamment parce que les annonces en bas de page reçoivent structurellement moins de clics.
Résultat : les annonceurs capables de double-server (souvent ceux qui disposent de budgets conséquents ou de plusieurs comptes) obtiennent plus de visibilité, sans nécessairement augmenter leur pertinence ni leur engagement. Un glissement progressif se met en place, dans lequel la domination de l’espace publicitaire n’est plus uniquement liée à la performance, mais aussi à la capacité à occuper plus de place sur la SERP.
Auction Insights : des données faussées par défaut
Le rapport Auction Insights de Google Ads est souvent présenté comme un outil clé pour surveiller la pression concurrentielle sur des mots-clés donnés. Il permet, entre autres, de visualiser la part d’impressions détenue par chaque annonceur, la fréquence à laquelle un concurrent apparaît au-dessus de vous, ou encore son taux de présence en haut de page.
Mais ce rapport repose sur une série de prérequis souvent oubliés :
- Il ne compare que les annonceurs présents dans les mêmes enchères que vous, sur les mêmes mots-clés.
- Il n’affiche rien si votre impression share descend sous les 10 %.
- Il n’offre aucune visibilité sur les actions de vos concurrents quand vous êtes absent de l’enchère.
L’arrivée du double-serving aggrave ces angles morts. Par exemple :
Si votre concurrent passe de 70 % à 80 % d’impression share, est-ce parce qu’il a augmenté ses enchères ? Qu’il diffuse plus souvent ? Ou simplement parce qu’il double-serve sur les mêmes positions ? Rien dans Auction Insights ne vous permet de le savoir.
Même les indicateurs comme le Top of Page Rate (taux d’affichage en haut de page) ne disent pas combien de fois votre concurrent est apparu en double. Vous voyez seulement une fraction du tableau. Comme le résume Adthena dans son analyse publiée sur Search Engine Land le 4 juin 2025 : « Auction Insights devient un benchmark trompeur pour mesurer la visibilité concurrentielle. »
Dans ces conditions, continuer à prendre des décisions budgétaires ou stratégiques uniquement sur la base de ces rapports revient à piloter à vue.
Voir clair malgré tout : quelques repères à recroiser
Face à ces nouveaux biais, faut-il abandonner totalement l’analyse concurrentielle sur Google Ads ? Pas nécessairement. Mais il devient indispensable de croiser les sources et d’adapter sa lecture des métriques.
Signaux internes à surveiller
Le segment « Top vs Other » de Google Ads, par exemple, permet de repérer une hausse d’impressions en bas de page — souvent liée au double-serving. Ce n’est pas une preuve directe, mais c’est un signal d’alerte.
Vos propres courbes de CTR ou de CPC peuvent également montrer un changement de dynamique, surtout si l’impression share baisse sans hausse de concurrence apparente.
Solutions externes
Pour aller plus loin, certains outils externes, comme Adthena, proposent des dashboards dédiés. Leurs analyses permettent de :
- Repérer quels concurrents doublent leur présence.
- Identifier quels mots-clés ou secteurs sont les plus touchés.
- Mesurer la fréquence réelle du double-serving dans votre environnement.
Ces solutions ont un coût, mais elles peuvent éviter de réagir à des données trompeuses, par exemple en augmentant vos enchères face à une concurrence… qui n’a pas changé de stratégie, mais occupe simplement plus d’espace.
Les points clés à retenir
Sur le double-serving :
- Le double-serving permet à un même annonceur d’apparaître deux fois sur la même page de résultats.
- Cette pratique fausse la lecture des métriques classiques comme l’impression share ou le CTR.
- Auction Insights ne distingue pas un vrai changement stratégique d’un simple double affichage.
Sur l’analyse concurrentielle :
- Les rapports concurrentiels de Google Ads présentent donc des biais invisibles mais structurants.
- Certains segments comme « Top vs Other » peuvent offrir des signaux partiels à surveiller.
- Des outils externes permettent de mieux visualiser qui double-serve et sur quels mots-clés.
Sur la stratégie :
- Croiser vos données internes avec des tendances externes reste indispensable pour décider.
- La lecture concurrentielle devient plus complexe, mais pas impossible si l’on adapte ses repères.