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Le conflit entre Google et les éditeurs prend une nouvelle dimension. Le 3 novembre, Raptive, l’une des plus grandes régies indépendantes du web (ex-CaféMedia), a déposé une plainte de 93 pages contre Google devant le tribunal fédéral de New York.
L’accusation d’un système de tricherie algorithmique qui aurait faussé les enchères publicitaires pendant plus d’une décennie est au cœur du dossier.
Une position dominante devenue verrou
Raptive représente des milliers de sites de contenu. Sa plainte décrit un écosystème verrouillé. Google aurait lié son serveur publicitaire DoubleClick for Publishers (DFP) à sa propre place de marché AdX, obligeant ainsi les éditeurs à passer par DFP pour accéder aux enchères en temps réel.
Le résultat est que les serveurs concurrents et les offres alternatives auraient été exclus mécaniquement.
Ce verrou technologique aurait permis à Google de contrôler toutes les étapes de la chaîne —
du côté annonceur (via ses outils d’achat) au côté éditeur (via son ad server) —
et de jouer sur les deux tableaux.
Des “enchères truquées” derrière des noms anodins
La plainte évoque deux programmes internes :
- Project Bernanke, qui aurait permis à Google d’utiliser des données confidentielles issues des enchères pour ajuster ses propres offres.
- Minimum Bid to Win, un système de prix plancher artificiel permettant à AdX de remporter des impressions pour un centime de plus que les offres concurrentes.
Les éditeurs, eux, pensaient participer à un marché transparent. En réalité, selon Raptive, Google aurait converti leurs prix directs en planchers temporaires sous-évalués, réduisant leurs revenus sans qu’ils s’en aperçoivent.
Un risque financier colossal pour Google
Raptive réclame des milliards de dollars de dommages et intérêts. En vertu du Clayton Act, la loi antitrust américaine, les dommages peuvent être triplés en cas de faute intentionnelle (“treble damages”). À cela s’ajoutent des dommages punitifs pour fraude.
Même si un règlement amiable semble plus probable qu’un verdict, le simple dépôt de cette plainte pourrait raviver l’attention du Department of Justice, déjà en procès contre Google pour monopole publicitaire.
Un séisme pour la confiance des éditeurs
Au-delà du juridique, ce cas illustre une fracture profonde. Celle entre les plateformes intégrées et les éditeurs dépendants de leur infrastructure. Pendant des années, la promesse du programmatique était la transparence.
Si ces accusations se confirment, c’est tout l’équilibre de la publicité ouverte — celle qui finance une grande partie du web éditorial — qui serait remis en cause.
Que reste-t-il d’un marché quand l’arbitre, le vendeur et l’acheteur sont la même entité ?