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Comment un simple avis client de 2019 peut encore façonner la réputation d’une agence en 2025 — et ce que cela révèle sur l’ère du GEO.
La fin du “search” comme rempart contextuel
Pendant des années, Google a joué le rôle d’arbitre. Il contextualisait les sources, hiérarchisait les signaux et permettait à chaque marque de répondre, dans les SERP, par du contenu plus frais ou plus pertinent.
Mais dans l’ère des LLMs et des moteurs génératifs, cette médiation disparaît. Les modèles rassemblent, synthétisent et reformulent des bribes d’informations — souvent sans date, sans auteur et sans nuance.
Résultat : une phrase obsolète ou isolée peut devenir une “vérité” généralisée, répétée à chaque réponse IA. Et c’est exactement ce qu’a constaté Nick Haigler, Data Strategist chez Seer Interactive, lors d’un test sur Gemini.
Quand un vieux commentaire devient une vérité algorithmique
En comparant Seer à un autre prestataire pour un client, Haigler remarque que Gemini répète une formule récurrente :
“High account manager turnover” – un fort turnover des chefs de compte.
Après analyse, Seer découvre la source : un unique avis client vieux de cinq ans, copié sur plusieurs sites de reviews B2B (Clutch, AgencySpotter, etc.). Ce même avis apparaissait dans 38 % des prompts de marque observés sur trois mois.
Pour un humain, l’ancienneté du commentaire saute aux yeux. Mais pour un modèle génératif, le contexte temporel disparaît. L’information est recyclée, reformulée et diffusée comme actuelle.
Pourquoi c’est un problème nouveau
Dans le SEO, un avis isolé aurait peu d’impact :
- Google aurait dilué le signal dans des résultats plus récents.
- Le site officiel aurait pu contrebalancer avec des pages mieux référencées.
- Le clic restait la clé : l’utilisateur décidait quelles sources croire.
Dans le GEO (Generative Engine Optimization), ces garde-fous n’existent plus. Le moteur génératif ne renvoie pas l’utilisateur vers les sources, il parle à leur place.
Et si votre marque n’a rien publié de plus récent, c’est cette version tronquée de votre histoire qui devient la « réalité » dans les interfaces IA.
Leçons GEO : comment reprendre la main sur votre image IA
Haigler et l’équipe de Seer en tirent trois enseignements stratégiques qui devraient figurer dans le manuel de tout responsable SEO-Brand à partir de 2025.
1. Suivre la perception de marque dans les LLMs
Le SEO mesurait les requêtes.
Le GEO mesure les prompts.
L’idée n’est plus de savoir ce que les utilisateurs tapent, mais ce que les modèles répondent.
Seer pratique un branded prompt tracking :
Interroger régulièrement ChatGPT, Gemini ou Perplexity avec des variantes du type « Quels sont les points faibles de [marque]? » pour identifier les thèmes qui ressortent.
Ces signaux ne reflètent pas forcément des recherches réelles, mais les associations mentales qu’un modèle établit entre votre marque et certains attributs (positifs ou négatifs). C’est une cartographie de réputation IA, pas de SEO.
2. Traiter les avis comme des « données vivantes »
Les LLMs puisent massivement dans les plateformes d’avis (Clutch, G2, Trustpilot…). Haigler recommande de les considérer comme des sources de données structurées à entretenir :
- Identifier quels domaines de reviews apparaissent le plus souvent dans les réponses IA.
- Encourager de nouveaux avis authentiques pour « réactualiser » la perception.
- Mettre à jour régulièrement les fiches partenaires et fournisseurs pour injecter des données récentes.
Chez Seer, l’équipe admet n’avoir jamais sollicité d’avis clients en 23 ans. Mais face à la montée des moteurs génératifs, elle a revu sa position :
« Ce n’est plus une question de marketing, c’est une question de représentation algorithmique. »
3. Publier du contenu correctif et documenté
La force du web reste le contenu propriétaire. Dans les réponses analysées, les pages du site Seer apparaissaient dans 286 % des sorties LLM (plusieurs URLs citées par prompt).
C’est un signe fort : une marque peut réinjecter sa propre version des faits, si elle publie des contenus précis, récents et vérifiables.
Seer a ainsi publié des données internes :
- Taux de rétention de 79,2 % sur 12 mois (aligné sur la moyenne du secteur, selon Campaign US 2025).
- Actions RH concrètes : nouveaux process d’évaluation, feedbacks, modèle remote-first, élargissement des avantages salariés et pilotage par Energage (société qui mesure l’engagement des employés et de la certification des « Top Workplaces »).
Ce type de publication recontextualise l’information et aide les LLMs à réapprendre les faits à partir de sources d’autorité. C’est la logique du « content correction loop » : corriger le modèle par la donnée, pas par la plainte.
Vers une nouvelle discipline : la “Reputation Optimization for AI”
Ce cas met en lumière une mutation :
- Le SEO gérait la visibilité.
- Le GEO gère la représentation.
Les signaux ont changé :
Ancien SEO | GEO / IA Search |
---|---|
Classement dans les SERP | Citation dans les réponses IA |
Backlinks | Cooccurrences textuelles et sources citées |
Fréquence de crawl | Fréquence de référence dans les LLMs |
CTR et engagement | Confiance perçue dans les synthèses |
Contenu optimisé pour la requête | Contenu optimisé pour la véracité |
Conclusion : votre image n’est plus dans Google, elle est dans les modèles
Un moteur IA n’oublie pas — il répète. Et tant que vous ne réécrivez pas le récit, les modèles continueront de propager les vieilles traces de votre marque.
La nouvelle optimisation consiste donc à :
- Observer comment vous êtes cité,
- Actualiser les signaux faibles (reviews, profils et mentions),
- Produire du contenu explicite et daté,
- Et mesurer votre empreinte narrative plutôt que votre positionnement.
En d’autres termes :
Le GEO, ce n’est pas le SEO de l’IA — c’est la gestion de votre réputation dans les cerveaux des machines.