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L’optimisation des “chunks” suscite actuellement un engouement dans la communauté SEO, souvent présentée comme une nouvelle méthode miracle pour améliorer la visibilité dans la recherche IA. Pourtant, cette tendance repose sur une confusion.
Comme le souligne Despina Gavoyannis, consultante SEO senior, il s’agit d’une mauvaise interprétation d’un concept technique venu de l’ingénierie IA.
Qu’est-ce que le chunking dans les systèmes IA ?
Le chunking désigne le processus de division d’un document long en portions plus petites et exploitables par les machines. L’objectif consiste à permettre aux modèles de langage de stocker, retrouver et utiliser efficacement ces fragments d’information.
Dans les pipelines d’IA de type RAG (Retrieval-Augmented Generation), le mécanisme suit trois étapes principales :
- Découpage du document en chunks (sections autonomes de texte),
- Vectorisation de chaque chunk, c’est-à-dire sa transformation en représentation numérique adaptée à la recherche sémantique,
- Récupération des chunks pertinents depuis la base vectorielle pour répondre à une requête utilisateur.
En pratique, seuls de petits extraits de ces chunks (souvent une ou deux phrases) sont affichés aux utilisateurs. Les ingénieurs parlent parfois de passages pour désigner ces tranches spécifiques de texte, choisies car elles correspondent le mieux à l’intention de recherche.
Pourquoi les SEO ne peuvent pas “optimiser” le chunking
D’après Gavoyannis, trois raisons majeures rendent impossible toute optimisation directe du chunking par les SEO.
1. Le chunking est décidé par les ingénieurs IA
Le choix du découpage est une décision technique, propre à chaque modèle. Que ce soit Gemini, GPT-4 ou Claude, tous gèrent automatiquement la façon de segmenter et traiter les documents. Ce n’est pas la structure de vos paragraphes ou la longueur de vos phrases qui décide où tombe la coupe, mais l’algorithme.
Les méthodes couramment utilisées :
- Chunking à taille fixe : division en blocs de tokens égaux (ex. 500 tokens), avec parfois un chevauchement pour garder le contexte.
- Chunks à fenêtre glissante : chevauchements systématiques pour préserver la continuité entre deux segments.
- Chunking basé sur la structure : découpage selon les titres, sections ou tableaux du document.
- Chunking sémantique : détection des changements de sujet pour ajuster les frontières.
- Chunking récursif : hiérarchisation (sections → paragraphes → phrases → mots).
- Chunking HTML-aware : utilisation des balises
<h2>
,<p>
ou<li>
comme repères. - Chunking guidé par LLM : identification d’“unités de pensée” cohérentes par le modèle lui-même.
- Chunking tardif : vectorisation du document entier avant découpage ultérieur.
2. Chaque modèle applique sa propre stratégie
Il n’existe aucun standard universel.
- Les modèles à courte mémoire (limite ~512 tokens) découpent en petits blocs de 200 à 300 tokens.
- Les modèles à contexte étendu (> 1 000 tokens) manipulent des segments bien plus larges.
- Certains privilégient les fenêtres glissantes, d’autres les coupes sémantiques.
Les ingénieurs IA testent constamment de nouvelles variantes, car chaque milliseconde gagnée et chaque fraction de centime économisée sur les calculs se traduisent par des économies colossales à l’échelle industrielle.
Le chunking évolue en permanence, au gré des besoins d’efficacité, de coût et de précision.
3. L’optimisation manuelle est une impasse
Même si vous vous efforcez d’écrire des “chunks parfaits”, vous ne pouvez pas maîtriser la façon dont le modèle découpera votre texte.
Un paragraphe peut :
- se retrouver au milieu d’un chunk au lieu de l’introduire,
- être scindé en deux,
- ou disparaître complètement de la sélection lors de la récupération.
Le découpage repose sur les tokens (morceaux de mots), pas sur vos sections logiques. Chaque modèle décide de ses propres points de coupure dynamiquement.
Et l’histoire récente l’a montré : Google a déjà sanctionné les formats artificiels. Les fermes de contenus en FAQ, pensées uniquement pour manipuler les featured snippets, ont été déclassées lorsqu’elles ont été identifiées comme du contenu de faible valeur.
L’approche recommandée : le contenu atomique
Plutôt que d’essayer de forcer le découpage, Gavoyannis préconise une autre voie, à savoir créer du contenu atomique.
Autrement dit, des sections suffisamment autonomes pour fonctionner comme de véritables “unités indivisibles de connaissance”.
Le workflow du contenu atomique
Étape 1 : identifier les sujets et mots-clés
Avec des outils comme Keywords Explorer, on repère les questions ou sous-thèmes qui méritent une section dédiée. Chaque cluster devient un atome de contenu potentiel.
Étape 2 : appliquer le principe BLUF (Bottom Line Up Front)
Commencer chaque section par la réponse directe ou l’idée clé, puis développer.
- Les études du Nielsen Norman Group montrent que les lecteurs suivent un schéma en F : attention maximale en début de section, chute marquée au milieu, regain à la fin.
- Les modèles de langage présentent un biais similaire : ils pondèrent davantage le début et la fin qu’une portion centrale.
Étape 3 : auditer l’autonomie de chaque section
Avant publication, vérifier que :
- Les informations liées sont bien regroupées,
- Chaque section se comprend sans le reste du texte,
- Un lecteur “atterrissant” directement dessus y trouve une réponse complète,
- Le cluster de mots-clés est couvert sans trous ni redondances.
Des outils comme AI Content Helper (Ahrefs) facilitent cet audit en colorant visuellement les zones thématiques d’un texte, ce qui permet d’identifier les chevauchements ou les manques.
Les limites de l’obsession pour le chunking
L’histoire des FAQ farms doit servir de rappel. Vouloir pré-structurer artificiellement son contenu pour devancer le comportement des moteurs est une stratégie risquée et souvent contre-productive.
Avec les IA, la tentation est la même, deviner comment elles vont découper les textes. Mais c’est vain. Les modèles continueront à découper, intégrer et sélectionner vos contenus selon leurs propres règles – règles qui changent sans cesse.
Recommandations pratique
Inutile de chercher à “optimiser les chunks”. Concentrez vos efforts sur la création de sections claires, complètes et autonomes.
- Si un moteur IA décide d’extraire une portion de votre contenu, elle doit pouvoir fonctionner seule, apporter de la valeur et répondre directement à une question.
- Cette approche sert à la fois les lecteurs humains (qui scannent et veulent des réponses rapides) et les systèmes IA (qui privilégient les blocs autoportants).
En un mot : rendez vos contenus AI-friendly en les rendant avant tout human-friendly.