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Le pilotage des campagnes Google Ads est à un tournant. Alors que l’automatisation gagne du terrain, de nombreux annonceurs peinent à suivre : comptes fragmentés, données dispersées, perte de lisibilité… Dans ce contexte, une approche s’impose peu à peu comme un nouvel équilibre entre performance et simplicité : la méthode Hagakure.
Popularisée par Google puis largement documentée par des experts comme Benjamin Wenner (Search Engine Land, mai 2025), cette stratégie repose sur un principe simple : réduire le nombre d’entités dans un compte pour mieux exploiter l’apprentissage automatique. Moins de campagnes, moins d’ad groups, mais plus de clarté et de volume pour nourrir les algorithmes.
Ce qui ressemblait à une prise de risque en 2020 devient en 2025 une voie sérieuse pour ceux qui veulent concilier automatisation efficace et pilotage stratégique. Décryptage d’un tournant dans la gestion des campagnes Search.
La promesse de Hagakure : clarté, volume, efficacité
Pendant des années, la performance sur Google Ads semblait passer par une multiplication des campagnes et un découpage minutieux des mots-clés. Des structures comme SKAG (Single Keyword Ad Groups) ou STAG (Single Theme Ad Groups) ont permis à de nombreux comptes d’atteindre un bon niveau de contrôle. Mais cette logique touche aujourd’hui ses limites.
Avec l’évolution de l’algorithme et la montée en puissance du Smart Bidding, ce n’est plus la granularité qui fait la différence, mais la qualité des données disponibles pour l’apprentissage automatique. Et pour qu’une machine apprenne vite et bien, elle a besoin de volume. C’est là que la méthode Hagakure entre en jeu.
L’idée est simple : consolider les structures publicitaires. Regrouper les thématiques proches dans un même ad group, fusionner des campagnes redondantes, utiliser des ciblages plus larges. En clair, donner aux algorithmes un terrain plus lisible et plus dense pour qu’ils puissent optimiser les enchères en temps réel.
Cette simplification n’est pas un renoncement. Elle permet au contraire d’aller plus vite, plus loin, en réduisant le bruit et les frictions dans les comptes, tout en gardant une logique business. Le pilotage manuel s’efface là où il est peu rentable (ajustements d’enchères), pour laisser place à un pilotage plus stratégique : choix des zones d’investissement, des segments prioritaires, des exclusions.
« Hagakure, c’est un peu le Pareto appliqué au SEA : concentrer l’effort là où se joue l’essentiel. »
De la surcharge au recentrage : sortir du chaos structurel
L’approche Hagakure répond à un constat que beaucoup de gestionnaires de campagnes partagent : les comptes Google Ads sont devenus illisibles.
À force de tout vouloir contrôler — les mots-clés, les correspondances, les messages, les audiences — les comptes se sont complexifiés au point de nuire à leur propre performance. C’est ce que Benjamin Wenner démontre dans son retour d’expérience publié sur Search Engine Land : un e-commerçant qu’il accompagnait gérait plus de 500 campagnes Search, avec des dizaines de milliers de groupes d’annonces et près de 200 000 mots-clés.
Résultat :
- Des performances stagnantes, malgré un volume conséquent.
- Une surcharge cognitive pour les équipes.
- Une incapacité à s’adapter rapidement aux évolutions du marché ou à la saisonnalité.
En restructurant entièrement le compte avec la méthode Hagakure, l’agence est passée de 450 campagnes à… 3 campagnes clés, centrées sur les marques les plus rentables.
Ce qui a changé :
- Les mots-clés convertisseurs ont été isolés.
- Les groupes d’annonces ont été fusionnés par intention ou segment produit.
- Les campagnes inutiles ont été supprimées ou fondues dans des ensembles cohérents.
- Les Dynamic Search Ads (DSA) ont été utilisées de manière ciblée, avec des mots-clés négatifs pour éviter le cannibalisme.
Bilan : +300 % de revenus sur la Search en quelques mois, sans modifier l’offre ni le site.
Cette refonte radicale prouve qu’un compte mieux structuré est un compte plus agile. En réduisant le nombre d’éléments à gérer, on libère du temps pour piloter ce qui compte vraiment : la stratégie, les assets créatifs, l’analyse de performance.
L’automatisation n’est pas un renoncement
L’un des principaux freins à l’adoption de la méthode Hagakure, c’est la peur de perdre la main. Moins de campagnes, des mots-clés plus larges, des enchères confiées à l’algorithme… Pour beaucoup d’annonceurs, cela revient à céder les commandes. Mais c’est un malentendu.
L’automatisation ne remplace pas la stratégie, elle déplace simplement le levier d’action.
Plutôt que d’intervenir sur des détails quotidiens — enchères manuelles, segmentation excessive —, l’annonceur se concentre sur les éléments qui influencent réellement la performance :
- Le choix des segments à structurer ou à regrouper,
- La définition des audiences et exclusions clés,
- La sélection des mots-clés convertisseurs (via les rapports de requêtes),
- La clarté des messages et la cohérence des landing pages,
- Le pilotage budgétaire à un niveau stratégique (produit, marque, zone, saison).
C’est en cela que la méthode Hagakure se distingue d’une automatisation « subie » comme celle que propose parfois Google avec AI Max, dont les campagnes s’appuient sur une logique presque entièrement algorithmique, sans segmentation ni mot-clé défini.
Ici, l’automatisation est encadrée. Elle s’appuie sur une architecture conçue par l’humain, et vient ensuite optimiser les enchères et la diffusion à l’intérieur de ce cadre.
« Hagakure n’est pas une délégation totale, mais une collaboration entre votre stratégie et le machine learning de Google. »
Cette approche hybride permet d’exploiter la puissance de l’algorithme sans sacrifier le pilotage ni la cohérence de marque. C’est ce que Wenner appelle « le bon équilibre entre volume, pertinence et contrôle ».
Power Pair et AI Max : l’automatisation à pleine puissance ?
Depuis 2024, Google pousse une nouvelle stratégie baptisée Power Pair : un duo composé de campagnes Search en large correspondance et de campagnes Performance Max, censé couvrir l’ensemble du parcours utilisateur.
L’objectif est clair : optimiser la couverture, capter à la fois la demande existante (via la recherche) et la demande latente (via les autres réseaux Google).
Mais cette approche soulève plusieurs questions, surtout pour les annonceurs qui tiennent à garder un minimum de contrôle.
Le risque du « tout automatisé »
Le Power Pair s’appuie fortement sur deux leviers :
- Le Broad Match, pour élargir au maximum la diffusion sur le Search,
- Les campagnes Performance Max, pour capter tout ce qui passe ailleurs (YouTube, Gmail, Discover, Display…).
En théorie, cette combinaison permet à Google de tout gérer : ciblage, enchères, message, canaux. En pratique, l’annonceur devient largement spectateur, et doit faire confiance à des rapports souvent opaques.
Wenner souligne que ce système peut fonctionner, mais à une condition : avoir les fondations solides. Sans un inventaire structuré, une stratégie de flux claire, et un suivi fin des conversions, l’effet « budget aspiré sans retour » est réel.
Une approche à moduler, pas à subir
Au lieu d’adopter le Power Pair tel quel, l’auteur recommande une version plus maîtrisée :
- Commencer par une structure Search propre, sans Broad Match,
- Introduire les tests de Broad Match progressivement, une fois les performances stabilisées,
- Laisser les campagnes Performance Max en mode flux uniquement, sans actifs créatifs, pour éviter les interférences avec les campagnes Search.
Cette méthode permet de tester les apports de l’automatisation sans compromettre la stratégie de fond. Elle remet l’humain au centre du dispositif, tout en tirant parti des capacités d’apprentissage de l’IA.
« L’efficacité de l’automatisation dépend moins des outils que de la façon dont on les intègre dans une logique claire. »
C’est toute la philosophie Hagakure : ne pas confondre simplification et simplisme, et s’assurer que chaque couche d’automatisation repose sur des choix structurés.
Passer à Hagakure : étapes clés pour une mise en œuvre réussie
Adopter la méthode Hagakure ne signifie pas tout détruire pour repartir de zéro. Il s’agit d’un rééquilibrage progressif, qui commence par une analyse lucide de l’existant. Voici les étapes essentielles pour transformer un compte Google Ads en profondeur, sans le fragiliser.
1. Faire l’état des lieux
Avant toute chose, il est essentiel d’évaluer le niveau de fragmentation du compte :
- Combien de campagnes sont réellement actives ?
- Combien génèrent plus d’un clic par jour ?
- Quels groupes d’annonces ont un volume suffisant pour alimenter le Smart Bidding ?
Outils utiles :
- Le script d’audit de structure proposé par Google.
- Le rapport de performances par ad group et mot-clé sur 30/60/90 jours.
2. Identifier ce qui performe déjà
À l’aide des rapports de requêtes et de mots-clés :
- Repérer les termes à forte conversion, à conserver.
- Isoler les groupes sous-performants ou redondants, à fusionner ou supprimer.
- Regrouper les produits ou services selon des logiques d’intention plutôt que des micro-thématiques.
Conseil : viser 20 mots-clés max par ad group, et éviter de créer de nouvelles campagnes pour chaque variation de produit.
3. Redessiner une structure simplifiée
Créer une nouvelle architecture autour de quelques campagnes :
- Une campagne principale par univers ou marque.
- Des groupes d’annonces organisés par intention de recherche.
- Un ad group DSA par grande famille, avec des mots-clés négatifs ciblés pour éviter les doublons.
Exemple tiré du cas de Wenner : Un compte e-commerce est passé de 450 campagnes à 3, en ne gardant que les marques représentant 75 % du chiffre d’affaires search.
4. Réinitialiser le tracking et l’attribution
Pour tirer le meilleur parti du Smart Bidding :
- Utiliser le tag natif Google Ads, pas les conversions GA4.
- Activer les conversions améliorées.
- Passer à une modélisation d’attribution basée sur les données, avec une fenêtre de 90 jours.
5. Suivre l’apprentissage et ajuster
Après restructuration, un temps d’apprentissage est nécessaire (généralement 1 à 2 semaines) :
- Laisser le système apprendre, sans modifier les enchères en continu.
- Contrôler les performances par segment.
- Ajouter progressivement des exclusions, ajuster les assets créatifs, affiner les audiences.
Les points clés à retenir
Sur la méthode Hagakure :
- La complexité des comptes Google Ads nuit à l’efficacité des algorithmes d’enchères.
- La méthode Hagakure propose une structure épurée et cohérente centrée sur les volumes utiles.
- L’automatisation devient un levier puissant lorsqu’elle repose sur des données bien organisées.
- La simplification n’est pas une régression mais une stratégie pour accélérer l’apprentissage machine.
Sur le pilotage et l’automatisation :
- Le pilotage humain reste central pour structurer, prioriser et exclure intelligemment.
- Le Power Pair peut fonctionner dans certains cas mais expose à un fort risque de dilution budgétaire.
- AI Max offre de nouvelles possibilités mais réduit fortement la marge de manœuvre stratégique.
Sur la mise en œuvre :
- Hagakure permet un déploiement progressif, contrôlé et compatible avec les outils avancés.
- C’est une méthode adaptée aux comptes qui veulent à la fois performer et garder la main.
- En 2025, maîtriser la simplicité devient une compétence SEA à part entière.